Extrait de commentaire sur un site, en date du 27/11/2015
Des malheureux par
milliers étaient traqués à coups de fusils, de
haches, de bâtons, si bien que dans certaines rues, il y avait
des murailles de corps entassés et des fleuves de sang, écrit
dans une lettre d'Adana, en date du 8 nov., M. Léopold Favre,
le philanthrope genevois qui a visité le théâtre
du sinistre pour y faire une enquête et distribuer aux
survivants les secours du comité philarmène helvétique.
Le Journal de Genève, 20 décembre 1909
Un
Jésuite, qui eut le courage de sortir pendant l'émeute,
me montre un ruisseau où littéralement le sang coulait
«comme l'eau après une pluie d'orage».
Beaucoup
de témoins racontent que des Arméniens furent attachés
par les deux jambes, la tête en bas, et fendus à coups
de hache, comme bêtes de boucherie. D'autres furent liés
avec des cordes et étendus sur un lit de bois auquel on mit le
feu; d'autres encore furent cloués vivants sur les planchers,
sur des portes, sur des tables.
Il y a aussi des jeux
atroces, des farces sinistres. On prend des Arméniens, on les
ligote, et sur leurs genoux immobilisés on découpe en
tranches ou on scie leurs enfants. Le Père Benoît, de la
mission française, rapporte un autre trait :
Les
bourreaux jonglaient avec des têtes fraîchement coupées
et même, sous les yeux des parents, ils lançaient en
l'air des petits enfants qu'ils recevaient à la pointe de
leurs coutelas.
Les supplices sont tour à tour
grossiers ou savamment raffinés. On soumet certaines victimes
à une série de tortures appliquées avec un art
consommé, de manière à prolonger la vie dans la
chair du martyr afin de faire durer la fête : on les mutile
lentement, méthodiquement, en leur arrachant les ongles, en
leur écrasant les doigts, en leur tatouant le corps au moyen
de fers incandescents, puis on leur scalpe le crâne, enfin on
les réduit en bouillie que l'on jette en pâture aux
chiens.
A d'autres, on brise petit à petit les os,
on les crucifie ou on les fait flamber comme des torches. Tout autour
des patients, des groupes se forment qui se récréent à
ces spectacles et applaudissent chaque geste des tortionnaires.
Parfois ce sont des abominations infernales, des orgies
sadiques. On découpe à un Arménien les
extrémités du corps, puis on l'oblige à mâcher
ces morceaux de sa propre chair. On étouffe des mères
en leur bourrant la bouche de la chair de leur propre enfant. A
d'autres, on ouvre le ventre et, dans la plaie béante, on
enfonce, après l'avoir écartelé, le petit que
tout à l'heure elles portaient dans leurs bras.
En
1895 des supplices analogues furent infligés aux Arméniens.
C'est ainsi qu'à Malatia et ailleurs, on a détaillé
sur la place publique de la chair d'Arménien en découpant
le patient encore vivant. Les tortionnaires d'Adana ont cependant
surpassé ceux des précédents massacres.
M.
Antonio
Scarfoglio, envoyé spécial du Matin à
Adana, a publié dans ce journal (n° du 5 et du 7 juin 1909
deux récits détaillés des horreurs qui y ont été
perpétrées. Voici un extrait du récit en
question. " ... On passait aux femmes après les hommes,
après les maris. On les déshabillait, on leur coupait
les pointes des seins qu'on obligeait les enfants à mâcher.
Des fois, ils leur promettaient la vie sauve pourvu qu'elles
baisassent le canon du fusil, et alors ils leur déchargeaient
l'arme dans la bouche ; d'autres fois encore, ils les violaient
seulement, puis les chassaient nues à travers les rues à
coups de crosse.
Dans une ferme, ils avaient surpris
toute la famille Burdikian composée du mari, de la femme, de
deux enfants mâles et d'une fillette de six ans. La femme, âgée
de vingt-huit ans, s'était jetée à leurs pieds
en criant pitié. Ils avaient souri et lui avait répondu
:
- Nous aurons pitié, nous aurons pitié,
tu vas voir.
Eux, ils dansaient
et
chantaient,
autour du bûcher
humain, des
hymnes
chrétiens.
Puis, ayant lié le mari au pied
du lit, ils avaient pris la femme, l'avaient mise complètement
nue et, avec trois gros clous, l'avaient clouée au mur, un
clou pour chaque main, un pour les pieds.
Avec la pointe
d'un yatagan ils avaient tatoué sur son ventre un des symboles
chrétiens ; puis tandis que, folle d'épouvanté,
elle se taisait et regardait de ses yeux écarquillés,
ils avaient conduit le mari devant elle au milieu de la chambre,
l'avait déshabillé, l'avaient enduit de pétrole
et l'avaient allumé comme une torche.
Le corps
avait pris feu gaiement en grésillant, les cheveux avaient
fait une flambée, la chair était calcinée et
détachée avant qu'il ne mourût... Eux, ils
dansaient et chantaient, autour du bûcher humain, des hymnes
chrétiens. Les enfants pleuraient dans un coin, la femme
regardait du haut de son mur, les bras ouverts, tout son jeune corps
offert, avec son ventre sanglant, devenu tabernacle. Puis on lui
avait coupé les seins et forcé les enfants à
sucer cette chair saignante, on lui arracha les ongles, on lui coupa
les doigts, lui trancha le nez, lui brûla les cheveux. Enfin,
sous ses yeux d'agonisante, on scia la tête aux enfants mâles,
on violenta la fillette, puis on leur enleva le foie et le cœur,
que l'on mit dans la bouche de la mère en criant : «Sainte
Vierge Marie, sauve-les ! Viens, descends. Ne vois-tu pas qu'ils
meurent ? C'est le cœur, tu sais, que tu manges, le cœur
de tes fils, tes fils chers, que tu aimais tant, de tes fils, si
jolis, si blonds ! ...»
On l'acheva à coups
de hache.