N° 7 – Extraits de « L'Arménie Martyre » de l'Abbé Eugène Griselle (1918) Editions Bloud & Gay


page 44 :

récit de Mr Carlier envoyé comme consul à Sivas.

11 novembre 1895 : la durée et l'étendue des meurtres montra bientôt d'où venait l'inspiration avec, en plus,l'hypocrisie de faire croire à des provocations arméniennes. Inouïe, la façon dont les tueurs ont commencé à Erzeroum. Ils ont égorgé, dans son bureau, un agent de la mairie, un Arménien,puis ils lui ont rasé la barbe et maquillé la figure. Alors, ils l'ont habillé en Turc, puis ils ont promené son corps en hurlant:  « Vengeance ! Vengeance ! » . Aussitôt, soulèvement du peuple.

Le 12 novembre, on entend au consulat des feux de peloton. Renseignements pris, Mme Carlier écrit : « On a tout tué dans le Bazar. Pas un Arménien n'a survécu. Quelques-uns s'étaient réfugiés dans un entrepôt, mais la troupe a fait sape par en dessous. Elle les tue en ce moment à coup de baïonnette… c'est pour cela qu'on entend plus de bruit, des soldats repassent au bout de le rue chargés de butin, les mains en sang. Deux officiers sont suivis chacun par un hamal (porteur).

La populace continue à piller...cette populace a commis des atrocités. Comme elle n'avait pas d'armes, elle assommait ses victimes à coups de matraque, de barre de fer, ou leur écrasait la tête entre des pierres-- ou encore allait les noyer dans la rivière devant leurs femmes. On a vu ainsi passer des Arméniens qui n'essayaient pas de se défendre. On les déshabillait et on les mutilait horriblement avant de les tuer.

A la même date du 12, le journal révèle ce trait significatif : « J'apprends qu'à six heures, les muezzins du haut des minarets ont félicité le peuple d'avoir bien massacré ».

page 53 : massacres à Ourfa

Le 28 décembre, après de longs pourparlers pendant lesquels le gouvernement, tout en rassurant les inquiétudes des Arméniens, leur à fait livrer leurs armes.

Le bataillon de rédifs d'Alep, récemment arrivé, se mit à cerner le quartier arménien…

la tuerie commence à midi au signal des muezzins, et les soldats armés flanqués d'habitants armés exécutèrent leur consigne qui est de tuer tous les hommes valides.

« O pillera et violera ensuite. ». Et l'on tue jusqu'au soir, s'arrêtant au signal du clairon ? Le lendemain reprise de la funèbre besogne, le cordon de surveillance étant demeuré sur poste pour empêcher toute fuite.

Plus de deux mille malheureux se sont réfugiés dans la cathédrale arménienne.

« Je l'ai visitée cette église, écrit Mr de Contenson...Quand les turcs y pénétrèrent, les uns voulaient enlever les femmes et les jeunes filles, d'autres piller les bijoux et les trésors qu'on y avait apportés, d'autres continuaient à massacre et un derviche, célèbre pour son fanatisme, avait établi une sorte de billot où il coupait les têtes sans se lasser.

Enfin, le massacre allait trop lentement à leur gré : « les musulmans montèrent dans la tribune et les galeries des bidons de pétrole dont ils arrosèrent les réfugiés. On y mit le feu et bientôt il n'y eut plus qu'un immense brasier de chair humaine sur lequel s'effondraient de temps à autre les galeries chargées d'Arméniens.

Aujourd'hui les murs encore debout de la basilique apparaissaient noircis de fumée sur toute leur étendue. Leur base jusqu'à hauteur d'homme est garnie de traces de sang. Des interstices du pavé, je fais sortir avec une canne une sorte de graisse brûlée, à l'odeur acre. C'est de la chair humaine réduite en une sorte de bouillie qui est venue se loger là.